Les cycles astronomiques de Milankovic pour expliquer les variations climatiques

par Pierre Bédard 2005 (revisé en 2021)

L'astronome Milutin Milankovic a calculé l'intensité du rayonnement solaire reçu au sol à la latitude 65˚, en fonction de trois caractéristiques de la rotation de la Terre autour du Soleil, soit :
(1) la variation de l'excentricité de l'orbite terrestre autour du Soleil (cycles de 400 000 ans et 100 000 ans)
(2) la variation de l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre sur le plan de l'écliptique (cycle de 41 000 ans)
(3) la précession des équinoxes, ou rotation de l'axe de rotation terrestre.  (cycle de 21 000)
Selon la théorie de Milankovic, le rayonnement solaire est postulé constant et les variations de l'intensité du rayonnement solaire reçu au sol à la latitude 65˚ne dépendent que de la distance Terre - Soleil et de l'angle d'incidence du rayonnement solaire reçu au sol. La compilation de ces trois particularités de la rotation de la Terre autour du Soleil lui a permis de calculer les variations de l'intensité (en watts/m2) du rayonnement solaire qui détermine le climat sur Terre, à l'échelle des temps géologiques.

Figure 1 : Rayonnement solaire à la latitude N 65˚, moyenne des 30 jours suivant le solstice d'été, entre -200 000 ans et +600 000 ans par rapport à l'actuel.

Milankovic publia sa théorie astronomique des variations climatiques en 1941. Comme la théorie était non vérifiable à l'époque de sa parution, elle tomba dans l'oubli pendant plus de trente ans, jusqu'à ce que l'on découvre une cyclicité climatique semblable enregistrée par la composition isotopique ( O-18 / O-16) des coquillages fossilisés dans les fonds marins, ainsi que par la composition isotopique ( O-18 / O-16) de la glace des grands glaciers continentaux. Cette double confirmation que des cycles astronomiques contrôlent le climat sur Terre éleva la théorie de Milankovic au rang de modèle de compréhension pour l'analyse des variations climatiques sur Terre, à l'échelle du 20 000 ans.

Pour rappel, l'oxygène des molécules d'eau en mer (H2O) est formé de 99,8% de O-16 et de 0,2% de O-18. Au moment de l'évaporation, les molécules d'eau plus lourdes, à cause de O-18, passe moins rapidement en phase vapeur que les molécules d'eau plus légères, ayant un O-16. En conséquence, la vapeur d'eau a un rapport isotopique O-18 / O-16 inférieur à celui de l'eau de mer. L'eau d'évaporation retombe sur les continents sous forme de pluies, et l'eau s'écoule ensuite, par gravité, pour retourner en mer. Lorsque le climat devient glacial, l'eau des précipitations, demeure piégée sur les continents, sous forme de glace. Entre-temps, la composition isotopique de l'eau des océans s'enrichit en O-18, proportionnellement au volume de la glace appauvrie en O-18 qui s'accumule sur les continents. Le rapport isotopique O-18 / O-16 de l'eau de mer se préserve dans la composition minérale des coquilles de nombreux organismes marins comme les coraux, les mollusques et les foraminifères. En mesurant le rapport isotopique O-18 / O-16 du CaCO3 des coquilles, on retrouve la composition isotopique de l'eau de mer, à l'époque où ces animaux vivaient. Le rapport isotopique O-18 / O-16 est un paléothermomètre qui jauge le volume des glaciers continentaux qui est proportionnel au climat global sur Terre.

Figure 2 : Comparaison entre la courbe du rayonnement solaire à la latitude 65˚(en haut) et la courbe de températures calculée d'après le rapport O-18/O-16 de la glace à Vostok, Antarctique (en bas).

Comme la variation de l'excentricité de l'orbite terrestre change la distance moyenne Terre - Soleil, c'est le seul de ces trois cycles astronomiques qui affecte directement l'intensité du rayonnement solaire. Les deux autres cycles affectent que la distribution de la chaleur, par rapport à la latitude, ou par rapport aux saisons. Malgré le fait que la variation d'excentricité de l'orbite terrestre ne produit qu'une variation de seulement 10 % de l'énergie solaire, ce cycle demeure le principal contrôle du climat. Ce sont d'autres paramètres climatiques, comme l'albédo des surfaces terrestres, qui amplifient les tendances climatiques imposées les cycles astronomiques, à la hausse comme à la baisse.


Figure 3 : Variation de l'excentricité
de l'orbite terrestre.

1- Variation de l'excentricité de l'orbite terrestre autour du soleil


CYCLICITÉ : 110 000 ans (100 000 ans et 413 000 ans)

AMPLITUDE : l'excentricité varie entre 0 - 0,06

SITUATION ACTUELLE : excentricité de 0,02 décroissante (l'orbite terrestre est présentement presque circulaire)


Figure 4 : Variation de l'obliquité et précession de l'axe de rotation terrestre

2- Variation de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre

CYCLICITÉ : 41 000 ans

AMPLITUDE : l'inclinaison varie entre 22˚ et 24,5˚

SITUATION ACTUELLE : 23,5˚ (décroissant)

3- Précession de l'axe de rotation terrestre

CYCLICITÉ : 22 000 ans (19 000 ans et 23 000 ans)

AMPLITUDE : l'axe de rotation terrestre balaye un cône de 44˚ à 49˚ sur la voûte célestre, entraînant un déplacement apparent de la position des étoiles, au cours des siècles, ainsi qu'une migration de la position des solstices et des équinoxes le long de l'orbite elliptique de la Terre.

SITUATION ACTUELLE : l'axe de rotation de la Terre a atteint son meilleur alignement avec l'étoile polaire (Polaris) en 2015. Après 2015, l'alignement s'éloignera, peu à peu, de la position de l'étoile polaire. Dans l'hémisphère Nord, le solstice d'été survient lorsque la distance terre-soleil est la plus grande, tandis que le solstice d'hiver survient lorsque la distance terre-soleil est plus courte (été froid - hiver chaud).

Le cycle de variation de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre affecte la distribution de la reçue sur Terre, mais sa distribution. Lorsque l'axe de rotation terrestre devient moins incliné, la chaleur solaire se concentre autour de l'équateur. Lorsque l'axe de rotation terrestre devient plus incliné, cela favorise une meilleure distribution de la chaleur solaire dans les hautes latitudes. Le cycle de variation de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre cause un refroidissement périodique dans les régions polaires, là où une glaciation peut s'amorcer.

Le cycle de la précession de l'axe de rotation terrestre n'affecte pas la quantité totale de chaleur solaire reçue sur Terre mais fait seulement varier l'écart moyen des températures entre la saison chaude et la saison froide. La situation actuelle (figure du bas) montre une alternance d'hivers chauds suivie d'étés froids. Il y a 11 000 ans (figure du haut), on avait une alternance d'étés chauds suivie d’hivers froids. Les étés chauds favorisaient la fonte de glaciers et les hivers froids leur apportaient peu de neige pour les réalimenter.  La situation actuelle (figure du bas) devrait favoriser l’extension des glaciers dans les régions polaires, car les étés froids limitent la fonte des glaciers et les hivers chauds augmentent les chutes de neige sur les continents. Cependant, l'effet réel de ce cycle est lié au degré d'excentricité de l'orbite terrestre. Présentement, comme l'excentricité de l'orbite terrestre est presque que nulle, c'est-à-dire l'orbite terrestre est presque circulaire, l'effet de la précession de l'axe de rotation terrestre sur le climat est présentement non significatif.

Figure 5 : Comparaison de l'effet de la précession de l'axe de rotation de la Terre pour
l'hémisphère Nord : Il y a 11 ka (en haut), situation actuelle (en bas)

RETOUR À GÉOLOGIE